TRAITÉ DE ROME

Publié le par CB

Rome, le traité éternel

je me permets de soumettre à notre réflexion cet article alors que le traité de Rome fête ces 50ans

Mardi 20 mars 2007

Le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne, signé le 25 mars 1957 et entré en vigueur le 1er janvier 1958, fait l’objet pour son cinquantenaire d’une nostalgie un peu déprimante : il réalisa concrètement l’utopie européenne de paix par l’échange, le fit à l’aide d’idées géniales et pragmatiques, et il fut mis en œuvre avec détermination et souplesse. Bref, il incarne tout ce que l’Europe n’est plus. Les problèmes importants que rencontre l’Allemagne pour accoucher la « Déclaration de Berlin », clou des cérémonies du 50ème anniversaire, témoignent de la difficulté des Européens d’aujourd’hui à vivre ensemble, ou même simplement à définir ce que « vivre ensemble » veut dire.

Cette impression d’une célébration dans la douleur vient peut-être de ce que l’on a oublié la lettre du traité de Rome pour n’en retenir que l’esprit. Ainsi, sur le site officiel du cinquantenaire, après trois clics successifs, on comprend que pour consulter ne serait-ce que l’admirable (et bref) Préambule du traité, il faudra…en passer commande.

Or, le traité (CEE) de Rome est un ensemble d’ambitions communes encadrées par des principes d’action. Ce n’est pas une statue du commandeur de l’esprit européen, mais une boîte à outils destinée à faire coexister efficacement les Etats membres pour les amener vers la paix perpétuelle. Autrement dit, le traité de Rome peut aujourd’hui nous aider à (re)faire l’Europe autant qu’à en rêver. Comment ? De trois manières.

Nous montrons d’abord, dans la Lettre de l’OFCE n°283, que la paix par l’échange a supposé de concilier la logique du marché commun (union douanière) et celle du marché unique (les quatre libertés de circulation). Or, ces deux processus sont aujourd’hui déséquilibrés.

D’une part, au plan extérieur, l’Union européenne, plus ouverte aux échanges que les Etats-Unis et le Japon, est très protégée dans le secteur agricole (17,9% de droits de douane appliqués, source : CEPII), mais peu protégée dans le secteur manufacturier (2% contre 4,2% dans le monde en moyenne) et moins encore dans certains secteurs très exposés à la concurrence internationale, tels que celui du textile-habillement (5,7% contre 9,4% aux Etats-Unis et 10,5% dans le monde). D’autre part, au plan intérieur, les marchés des biens et des capitaux sont très intégrés, mais les marchés des services et du travail le sont respectivement peu et très peu, à l’image des politiques fiscales et sociales. Il en résulte logiquement une concurrence socio-fiscale exacerbée.

 

Réconcilier marché commun et marché unique supposerait donc à la fois de rééquilibrer la protection européenne (politique commerciale et politique de la concurrence), gage d’une ouverture forte, et de consolider le marché unique par une harmonisation fiscale susceptible de contrecarrer la dynamique de fuite des bases mobiles.

Mais il faut aller plus loin. Cinquante ans après, un des reproches majeurs que l’on peut adresser à la construction européenne n’est pas tant d’avoir privilégié l’élargissement au détriment de l’approfondissement que d’avoir réduit, à mesure de ses élargissements, les possibilités d’intégration différenciée. Or, la dynamique introduite par le traité de Maastricht a provoqué l’émergence de facto de deux Europe : l’Union européenne et la zone euro, cette dernière n’ayant pas aujourd’hui les moyens de sa souveraineté économique. Nous proposons par conséquent de suivre la voie de « l’Europe des biens publics » (in France 2012, E-book de campagne à l’usage des citoyens), qui vise à préciser les finalités et les moyens institutionnels respectifs de la zone euro et de l’Union européenne.

Enfin, « l’autre traité de Rome », le traité Euratom, pourrait bien inspirer à l’UE l’ambition de l’Europe durable. Nous développons l’idée de Jean-Paul Fitoussi d’une Communauté européenne de l’environnement, de l’énergie et de la recherche, et montrons que l’Europe durable est une utopie dont l’UE a aujourd’hui tous les moyens. Après le sommet de Bruxelles des 8 et 9 mars derniers, où les Etats européens sont parvenus à s’accorder sur l’objectif de réduire de 20% d’ici à 2020 leurs émissions de gaz à effet de serre (par rapport à 1990), ce projet ne doit surtout pas devenir un « agenda de Lisbonne » bis, une immense ambition aux moyens minuscules.

Comment fêter dignement le cinquantenaire du traité de Rome ? En préparant dès maintenant son centenaire ! Autrement dit, en jetant les bases d’une harmonisation fiscale européenne, en dotant la zone euro du gouvernement économique qui lui fait défaut, en instituant la Communauté européenne de l’environnement, de l’énergie et de la recherche, bref, en reprenant le chemin d’une « union sans cesse plus étroite entre les peuples européens ».

 

Éloi Laurent et Jacques Le Cacheux

Publié dans EUROPE

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